Contrairement à ce que l’on peut penser l’état d’hypnose n’est pas un état où nous ne sommes plus maître de nous-mêmes. Lors d’une séance d’hypnose, vous pouvez très bien partir si vous vous sentez mal.
Pour en savoir plus sur l’hypnose, voici une interview avec l’hypnothérapeute Jérôme Saurin.
1) Comment définirais-tu ton métier : en quoi consiste t-il ?
Mon métier est d’accompagner qui le veut à devenir acteur de son changement. Il n’y a que si le changement vient de la personne qu’elle peut se l’approprier et qu’il peut durer dans le temps.
Mon rôle est que la personne qui me consulte puisse être le plus rapidement et le plus facilement autonome. Cela passe donc par des phases d’apprentissage, en cabinet et hors cabinet, notamment parce que l’hypnose est avant tout de l’auto-hypnose. D’ailleurs il faut bien comprendre qu’une personne qui a un problème a appris à se créer ce problème, qui souvent est finalement sa solution…mais qui ne la satisfait plus quand elle vient me voir.
En fait la personne est elle-même hypnotisée par son problème, il s’agit donc de l’aider à se déshypnotiser ou, pour dire les choses autrement : comment désapprendre pour réapprendre autrement. Et quand on sait faire cela, on peut plus facilement s’auto-gérer !
Voilà le sens de mon travail, et comme en plus chaque personne est différente et qu’on ne travaille jamais directement sur le problème, il est d’une richesse et d’une diversité incroyable !
2) Connais-tu l’historique de la discipline ?
L’hypnose est un état naturel qui existe depuis la nuit des temps dans toutes les cultures.
C’est toutefois le médecin écossais James Braid qui invente le mot « hypnose » en 1843.
En France, deux écoles s’affrontent à la fin du 19ème siècle pour deux conceptions différentes de l’hypnose. D’un côté on trouve l’école de la Salpêtrière de Charcot, pour qui l’hypnose est une somatisation pathologique propre à l’hystérie. Rien à voir avec l’école de Nancy de Bernheim, pour qui l’hypnose est un état proche du sommeil synonyme de suggestibilité, permettant notamment des applications thérapeutiques.
Au 20ème siècle, le médecin et psychiatre américain Milton H. Erickson va donner son nom à l’hypnose moderne : l’hypnose ericksonienne. Doté d’une personnalité hors norme, Milton Erickson va réussir à récupérer l’usage de ses muscles suite à une attaque de poliomyélite à l’âge de 17 ans. Il va néanmoins avoir de nombreuses séquelles physiques douloureuses ce qui le pousse à avoir recours à l’auto-hypnose quotidiennement. Il développe également une approche très humaniste et non dirigiste de l’hypnose, c’est-à-dire que pour lui la personne possède toutes les ressources dont elle a besoin pour changer, et le changement doit venir d’elle, non du thérapeute, bien qu’il soit là pour l’accompagner. En hypnose ericksonienne on utilise donc ce que la personne sait déjà bien faire, c’est plus simple ainsi, tout en étant respectueux de qui elle est.
3) Que va t-on pouvoir soigner ?
De manière synthétique, ce sont le stress et l’excès d’émotion(s) qui viennent perturber le corps et l’esprit. Beaucoup de symptômes viennent donc d’une mauvaise gestion du stress et/ou des émotions. Mon travail consiste donc avant tout à apprendre aux gens à mieux gérer leur stress et leurs émotions.
Pour donner des exemples, l’hypnose peut être utile :
– dans tout type d’addiction (tabac, alcool, drogues, jeux…),
– lors de troubles du comportement alimentaires (compulsions, anorexie, boulimie, hyperphagie, mauvaises habitudes alimentaires…),
– lors de différents troubles (insomnie, état dépressif, TOC, énurésie, bruxisme, bégaiement, problèmes de peau…),
– pour les peurs, les phobies, les angoisses, l’anxiété..
– pour faire le deuil (décès, rupture amoureuse, licenciement, déménagement, retraite…)
– pour gagner en confiance et en estime de soi,
– sur la gestion de la douleur, uniquement suite à un avis médical.
L’hypnose est également intéressante en terme de développement personnel, par exemple :
– aider un sportif à mieux se concentrer et à garder un niveau optimal de concentration quoi qu’il arrive lors d’une compétition,
– pouvoir faire un meilleur usage de sa mémoire lors d’un examen ou d’un concours,
– développer son charisme pour une présentation en public,
– acquérir ou améliorer une compétence dans un domaine précis…
4) Peut-on consulter à n’importe quel âge ? Y’a t-il des préconisations ou des cas déconseillés ?
On peut consulter à partir du moment où le langage devient suffisamment maîtrisé, vers 6 ans environ. Avant cet âge d’autres techniques peuvent plus adaptées, comme l’EFT par exemple.
Je ne vois pas spécialement d’âge limite ! Et comme l’état d’hypnose est un état naturel, nous connaissons tous cet état, l’idée est de savoir comment y accéder et comment s’en servir pour nous faire avancer vers notre objectif afin de le réaliser concrètement. L’état d’hypnose est donc avant tout un apprentissage, qu’on devrait d’ailleurs nous apprendre à l’école…
En terme de préconisations, si vous souhaitez travailler sur une douleur, un hypnothérapeute n’interviendra que suite à un avis médical.
L’hypnose est déconseillé en cas de troubles psychotiques graves : schizophrénie, paranoïa, maniaco-dépression.
5) Comment se déroule une séance ?
De manière classique on peut dire qu’une séance se déroule en 4 phases.
1 – Discussion sur l’objectif
2 – Entrée sous hypnose
3 – Phase de travail hypnotique
4 – Retour à un état de conscience plus habituel, débriefing.
6) Combien de séances faut-il pour se sentir mieux?
Étant donné que chaque personne est unique, de par son histoire, de par son rapport au monde, à elle-même, à sa problématique etc, il n’y a pas vraiment de règle.
L’état d’hypnose est avant tout un apprentissage, certaines personnes sont déjà assez compétentes sans le savoir, dans ce cas là il peut se passer beaucoup de choses en une séance, mais vraiment beaucoup, je suis parfois moi-même le premier étonné !
Pour d’autres personnes il va falloir partir de plus loin, donc ça va prendre plus de temps, mais le chemin vaut le coup, car l’hypnose est quelque part un savoir-faire qui mène dans sa finalité au savoir-être.
Dans tous les cas l’hypnose faisant partie des thérapies brèves, on a l’usage de dire qu’il faut entre 2 et 10 séances pour réaliser un objectif. C’est donc rapide !
Et quand bien même l’hypnose est moins facile d’accès pour certaines personnes, on pourra toujours utiliser d’autres outils, comme par exemple l’EFT, plus simple à mettre en œuvre dans un premier temps et qui soulage rapidement.
7) Quels sont les tarifs ? Est-ce remboursé par la sécurité sociale ? Par des mutuelles ?
Les tarifs sur Paris sont généralement entre 70€ et 100€ pour une séance d’une heure, avec parfois un tarif réduit comme pour les étudiants ou les chômeurs.
Personnellement j’applique un tarif de 80€ la séance.
Je vous déconseille les offres à 150€ ou 300€ pour un arrêt du tabac garanti en une séance… avec une petite étoile précisant « vous pouvez revenir deux fois gratuitement si besoin », approche purement marketing et qui en dit déjà long sur la philosophie de l’hypnothérapeute.
8) Et pour ceux que tu as convertis ? Quelles études faut-il faire ?
Il existe un DU d’hypnose médicale à Paris VI, réservé aux médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et étudiants de ces disciplines en fin d’études. Cette voie est donc limitée aussi bien dans l’accès que dans le domaine d’application. Elle n’est donc pas la plus courante.
Les études d’hypnose sont donc principalement des formations payantes dans des écoles privées qui ne sont pas reconnues par l’Etat. Autant dire qu’il existe différents niveaux de qualité et qu’il est important de bien se renseigner avant de faire un choix. De plus il existe une formation de base, mais je ne peux que conseiller de faire des modules complémentaires, de refaire des formations déjà faites après avoir pratiqué (certaines écoles permettent cela gratuitement), d’aller voir ce qui se fait dans d’autres écoles, de travailler avec des pairs, de pratiquer dans d’autres cadres que celui de la thérapie dans un cabinet etc
Dans tous les cas, dans ce genre de métier, il est essentiel de faire un travail sur soi et de continuer à se former régulièrement. On reste donc quelque part un éternel étudiant, qui continue d’apprendre, de se remettre en question, d’explorer, de tester… et aussi de s’amuser !
Interview avec Jérôme Saurin
Image © Jérôme Saurin / via