Si en tant que femme j’ai toujours subi le harcèlement de rue, j’avais jusqu’à maintenant du mal à faire comprendre aux hommes qui m’entouraient, que oui j’aimais être draguée et non je n’aimais pas être harcelée.
C’est en un coup d’œil grâce à ce dessin du Projet Crocodile que l’illumination s’est faite :
Drague = Échange
La drague, tout comme l’acte sexuel, résulte d’un échange entre deux personnes.
Comme tout échange, il est nécessaire qu’une des deux personnes le commence. La 2ème personne a donc le droit d’accepter cet échange, ce qui met le phénomène de drague en route et replace les protagonistes d’égal à égal, ou de refuser, ce qui clôt l’action pour l’un des deux.
Et c’est là que le harcèlement commence.
Toute action qui entraîne l’autre sans son consentement devient du harcèlement de rue.
Après, ta voisine du dessus, un peu trop bavarde, qui te tient la jambe 10 minutes ne mérite pas non plus d’être un crocodile. Même s’il n’y a absolument aucun échange. Non, parce que ta voisine du dessus ne te « prédate » pas. (Sauf si tu es Blanche Neige et qu’elle vient t’offrir une pomme.)
La drague valorise, le harcèlement de rue « objetise »
L’autre différence fondamentale entre la drague et le harcèlement de rue est la notion d’objet.
Si la drague valorise, nous fait sourire et passer une bonne journée – comme mon ancien boulanger, beau parleur, qui complimentait toujours ses clientes – le harcèlement de rue, lui, « objetise ».
Comme me l’a fait comprendre une amie qui s’est penchée sur la question depuis pas mal de temps (tous ses articles et témoignages sur le harcèlement de rue ici), « on séduit une personne alors qu’on harcèle un corps ».
D’ailleurs les phrases de harcèlement de rue le prouvent, le rapport entre l’émetteur et le destinataire n’a rien d’un rapport d’égal à égal, il est de dominateur à objet :
Ce rapport de prédateur à corps est d’autant plus visible que j’ai pu m’apercevoir qu’en vieillissant j’étais de moins en moins harcelée. Quant aux générations de ma grand-mère voire de ma mère, elles ne sont pas touchées par ce harcèlement. Elles restent convoitées certes, mais pas harcelées.
Cela dit, étant donné que je n’ai pas du tout envie d’attendre mes 70 ans pour sortir en poum-poum short un beau soir d’été, voici quelques basiques qui m’ont été enseignés et que j’enseigne à mon tour.
Lutter contre le harcèlement de rue
En tant que femme, que peut-on faire concrètement contre le harcèlement de rue ?
– D’abord, le reconnaître. Être consciente que tous les hommes ne sont pas des crocodiles et savoir accepter les compliments quand compliment il y a. (Oui je le mets en premier, parce que je m’attacherais toujours au positif d’abord.)
– Si la situation vous le permet, affrontez les crocodiles : savoir leur dire non et « fermer véritablement la porte » : un non est NON NÉGOCIABLE. La phrase qui me sert le plus souvent est « Non, je n’ai pas le temps. » Effectivement, même avec du temps je ne leur accorderais pas une seule seconde, mais cette phrase permet d’éviter d’argumenter et de passer son chemin rapidement. (Un livre à lire pour celles ont du mal à dire non : Non c’est non d’Irène Zeilinger)
– Faites confiance à votre corps et à votre intuition. Plus je donne des cours de self-défense féminine, plus je me rends compte que les femmes ont des capacités exceptionnelles. Une force physique dont elles ne se doutent parfois même pas, une endurance à toute épreuve, un mental d’acier et un 6ème sens inné.
Si cette confiance manque, n’hésitez pas à la travailler : self-défense féminine, cours de théâtre, chant, danse… Sortez de votre zone de confort et vous verrez ce dont vous êtes capables !
Et en tant qu’homme ?
– Ne pas sous-estimer ce harcèlement et le reconnaître comme réel et actuel. Il est rare qu’une femme passe une journée sans y avoir été confrontée.
– Quand vous voyez qu’une femme se méfie de vous, n’hésitez pas à lui parler ouvertement sans vous rapprocher ou à lui faire comprendre que vous n’êtes pas intéressé : en rentrant chez moi, de nuit, bien après les derniers métros, un homme était planté en plein milieu du trottoir à guetter. Forcément moins à l’aise qu’en plein jour, j’ai élaboré le stratagème du ralentissement, changement de trottoir – phénomène bien connu des femmes – pour pouvoir le dépasser. En fait, il attendait un ami (ce que je n’ai compris qu’après) et m’a donc observé patiemment. Non, son comportement n’était pas agressif. Mais il avait bien vu que j’étais dérangée. Cette fois-ci, et d’autres surement, j’aurais vraiment préféré qu’il s’adresse à moi tout fort en me donnant le contexte, plutôt que de faire les quelques mètres qui me séparaient de chez moi le ventre serré, prête à l’affronter.
Je ne dis pas à tous les hommes de se justifier de tous leurs actes auprès des femmes. Je leur dis d’être attentifs. Certains contextes entrainent notamment ces malaises, ces situations de vulnérabilité : la nuit, les rues désertes… Tout le monde est capable de sentir le malaise et la peur chez l’autre, quand vous le sentez, ne les laissez pas s’installer, communiquez : par la parole (« j’attends un ami »…), par un acte (tourner le dos, arrêter de la scruter, la dépasser quand on est derrière etc etc).
– Ne feignez pas de ne pas entendre quand une femme se fait harceler devant vous. Aidez-la: prenez sa défense verbalement puisqu’on est ici au stade du verbal (ce qu’au fond vous feriez si c’était votre propre fille). Montrez lui votre soutien (un regard peut suffire).
En d’autres termes, soyons solidaires.
Images Via Metro News / Projet Crocodile / Paye ta Shnek